Randonnée dans le parc national Auyuittuq

La terre qui ne fond(ait) jamais

Dans les années 1970, alors qu’il survolait le futur Nunavut avec sa fidèle épouse Aline, un jeune et obnubilé Jean Chrétien (premier ministre du Canada de 1993 à 2003) lui aurait promis de créer un parc national en son honneur.

« De retour au bureau, j’ai consulté le ministre des Affaires autochtones – qui était moi –, le ministre des Affaires du Nord – qui était moi –, et le ministre en charge de Parcs Canada – qui était moi –, et ils étaient tous d’accord », racontera-t-il plus tard. Résultat : en 1976, la réserve nationale du parc Auyuittuq voyait le jour, avant de passer au statut de parc national, en 2000.

De nos jours, on ne se rend pas au parc national Auyuittuq par hasard ou à l’improviste : le périple doit être méticuleusement organisé. Il faut d’abord gagner l’île de Baffin par Iqaluit, capitale du Nunavut ; prendre ensuite un vol local jusqu’à Pangnirtung (28 km au sud du parc) ou Qikiqtarjuaq (34 km au nord du parc) ; et terminer le tout par bateau-taxi l’été, ou par motoneige l’hiver.

Bien que le parc national Auyuittuq soit l’un des moins accessibles du réseau de Parcs Canada, il forme sans conteste un véritable joyau arctique et il compte assurément parmi les plus inoubliables au pays.

Le col Akshayuk

Si la superficie du parc fait plus de 19 000 km2, et qu’il est permis de s’aventurer partout, l’activité la plus courue demeure la randonnée du col Akshayuk, un corridor naturel emprunté par les Inuits depuis des générations pour relier la baie de Cumberland (Pangnirtung) au détroit de Davis (Qikiqtarjuaq). Il faut dire que le reste du parc est en grande partie recouvert de glace…

La « promenade » complète fait 97 km, mais la plupart des randonneurs optent pour un aller-retour de la partie sud seulement, celle qui longe la rivière Weasel du mont Overlord au lac Summit. C’est une région spectaculaire : la parcourir deux fois, dans un sens et dans l’autre, n’est aucunement lassant et plus économique (côté transport maritime et aérien) de retourner à son point de départ (Pangnirtung).

Normalement, il faut prévoir de 5 à 6 jours pour l’aller-retour, mais comme nous avons voulu faire durer le plaisir, nous en avons profité une douzaine de jours, en passant quelques fois deux nuits au même endroit afin d’explorer les montagnes avoisinantes sans nos sacs à dos, qui pesaient 40 kg au départ… La prochaine fois, j’irai l’hiver afin de faire glisser tous ces kilos de nourriture, de combustible et d’équipement dans un traîneau, plutôt que de les avoir sur le dos !

Un climat impitoyable

Comme dans toute région montagneuse et, de surcroît, arctique, le climat peut changer très rapidement, à Auyuittuq. C’est particulièrement le cas à Akshayuk, une vallée bordée de part et d’autre par un relief montagneux très escarpé, où les vents (catabatiques) rendent parfois les déplacements hasardeux, voire impossibles. Nous avons d’ailleurs été cloués dans nos tentes durant 24 heures par des vents dont nous avons su plus tard qu’ils avoisinaient les 100 km/h.

Mais le danger le plus menaçant est la traversée des torrents de montagne. Alimentés par la fonte des glaciers, leur débit fluctue constamment durant le jour, en fonction de la température et de l’ensoleillement.

On y compte d’ailleurs la plus longue paroi verticale au monde (1250 m), sur l’emblématique pic Thor, qui culmine à 1675 m.

Auytuittuq forme également un lieu idyllique pour les expéditions en ski de randonnée et en traineau à chiens. L’hiver est toutefois si rigoureux – grande obscurité et températures sibériennes – que les autorités du parc recommandent fortement d’attendre le mois de mars et le retour du soleil pour y pratiquer des activités… hivernales.

 La terre qui ne fond(ait) jamais

En inuktitut, Auyuittuq signifie : « la terre qui ne fond jamais ». Les changements climatiques ont aujourd’hui modifié le temps de verbe de cette traduction, en passant du présent à l’imparfait – dans tous les sens du terme… Comme la plupart des glaciers sur terre, ceux d’Auyuittuq fondent à un rythme alarmant.

 

Le pont de la rivière Weasel

Quelques jours après la fin de notre aventure, le parc a connu une période de plusieurs jours de pluie où la température était anormalement élevée. Une crue éclair (flash flood) s’est développée pour inonder la vallée et emporter le pont piétonnier qui permettait de franchir la rivière Weasel. Les visiteurs qui étaient toujours présents furent évacués par hélicoptère, et le parc a été fermé. Depuis, le pont a été reconstruit, mais l’événement s’est inscrit dans l’esprit des habitants de la région comme la confirmation du sérieux des changements climatiques, et qu’ils se font particulièrement sentir en Arctique. (Photo Patrice Halley)

Par Xavier Bonacorsi

Photographe, kinésiologue, constructeur et disciple de la maxime : « la vie se passe dehors »; Xavier écrit pour divers magazines de photographie, d'entraînement, de santé et de plein-air.

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